Prix de la Maîtrise d'Ouvrage Publique 2017

Avec seulement un lauréat en équipement public et un autre pour la catégorie logements, le palmarès 2017 est restreint. Il faut y lire l’exigence d’un jury visant une clarté de discours afin de donner un réel sens à cette distinction. C’est la raison pour laquelle le Grand Prix n’a pas été accordé, la parfaite complémentarité entre "l’exemplarité de la procédure" et la "grande qualité du projet d’architecture" n’étant, aux yeux des jurés, pas suffisamment incarnée. Si le jury s’est montré particulièrement exigeant, c’est aussi parce que le paysage architectural en Belgique francophone a clairement progressé, se dotant désormais d’une masse critique suffisante pour exiger encore plus de qualité.

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rapport

C’est avec l’arrivée de l’hiver, plus précisément le 15 novembre 2016, que l’appel à candidatures pour cette quatrième édition du Prix de la Maîtrise d’ouvrage publique fut lancé, pour se clôturer à l’orée du printemps, le 15 mars 2017. Quatre mois au cours desquels, à grand renfort de courriels et d’appels, la Cellule architecture sollicita activement les acteurs de la commande publique (maîtres d’ouvrage, architectes, assistants à maîtrise d’ouvrage). Douze d’entre eux se risquèrent à livrer leurs pratiques à des regards étrangers. Soit un total de vingt candidatures (un même acteur pouvait soumettre plusieurs projets) réparties entre les différentes catégories prévues par le règlement.

Nous retrouvions ainsi treize « équipements publics », cinq « logements publics », un projet relevant d’« espaces et paysage publics » et un projet « hors catégorie » (voir p. 4). Introduites par des autorités communales pour la plupart, certaines par des bureaux d’architecture et d’autres encore par des organismes publics, ces candidatures ont toutes nécessité une collaboration entre les acteurs du projet. Quelques-unes étaient d’ailleurs conjointement présentées et il est plaisant d’y voir là le signe d’une collaboration dépassant les clauses contractuelles d’un marché. Pour le moins factuelles, ces quelques informations en disent déjà beaucoup. Elles interrogent les formes que prend la maîtrise d’ouvrage publique. Notamment, la place des équipements publics qui, une fois encore, prédominent. Ces derniers occupent, pour des raisons évidentes, une part importante de la commande publique. C’est sans doute cette évidence qui pose problème. Car la question du logement et celle des aménagements urbains et paysagers constituent aussi un enjeu public majeur, soumis à des exigences de qualités architecturales et urbaines qui commencent dès le processus de commande. Reste qu’il ne faut pas non plus sous estimer ce que nous pourrions appeler un « effet prix » limitant toujours la portée des interprétations. Vingt candidatures, ce n’est évidemment pas grand-chose par rapport à la réalité de la commande publique en Fédération Wallonie-Bruxelles. Cette problématique récurrente de la représentativité du prix ne doit pas nous dissuader de réfléchir à partir du petit échantillon qu’il offre. Jouer la réflexion contre la représentation, telles ont été les intentions du jury.

Un jury. Quand l’objection forme le jugement.

Tenu le 3 mai à Bruxelles, le jury regroupait, comme à son habitude, une diversité de personnalités toutes aguerries dans leur domaine. Chacune représentait une part du monde de l’architecture pour couvrir, ensemble, un spectre large de pratiques : de la production de l’environnement bâti à la diffusion de la culture qui lui est attenante. L’objectif était de rassembler des expertises diverses et de susciter un échange, pour qu’à travers ces différents regards, une perspective commune se dessine. On peut saluer, à ce titre, l’apport de l’expert international, Francesco Della Casa, qui, cette année, provenait de Suisse. La présence d’un regard étranger demandait d’exposer la diversité des procédures en matière de marchés publics en Belgique. Elle permettait, ce faisant, d’en saisir les singularités par rapport au contexte helvétique où la pratique du concours anonyme fait l’objet d’un plus grand consensus et s’avère davantage répandue. Sans vouloir comparer l’incomparable, cette mise en parallèle reste fructueuse en ce qu’elle rend compte de points d’attention différents entre les deux pays. En atteste la contribution en contrepoint de l’expert international – par ailleurs président du jury – à cette publication. On ne peut comprendre cette différence qu’en rappelant, une fois encore, en quoi le choix d’une procédure de marchés publics ne tient pas seulement de normes légales, mais aussi de choix politiques et éthiques. Il s’agit de mettre en place un processus aussi juste qui soit pour parvenir au résultat le plus satisfaisant possible. Ce qui ne peut aller sans adopter des « principes » dont la pertinence et la légitimité ont été largement discutées par le jury. Ces principes se retrouvaient dans les critères d’évaluation qui, dans la lignée des précédentes années, renvoyaient à trois moments de la commande architecturale : la définition de la mission, le processus de sélection de l’auteur de projet et le déroulement de la mission. Comment a été défini le programme ? Qu’ont dû produire les soumissionnaires ? Comment le chantier s’est-il déroulé ? Quelle a été l’implication des utilisateurs ? Et puis, bien sûr, quel en était le résultat ? Si ce prix vise à saluer l’architecture en tant que dialogue entre acteurs pluriels, c’est aussi au regard de ce qu’il permet d’obtenir. À ces différents critères, le jury était libre de donner une signification particulière. Celle-ci s’est construite au fil des délibérations, chaque candidature faisant l’objet d’une présentation suscitant questions et remarques, suivie d’une discussion générale pour parvenir à faire émerger une décision. Un jugement né d’« objections » propices au débat et qui, d’argument en argument, ont permis d’aboutir à un choix final.

Cinq heures de discussion. Au-delà de la perfection, la détermination.

Au cours des délibérations, le jury a relevé plusieurs aspects tantôt vertueux, tantôt litigieux. En particulier vis-à-vis de la procédure de sélection des auteurs de projet qui, en présageant de la relation future entre maîtrises d’ouvrage, d’œuvre et d’usage, s’avère essentielle. À ce propos, le jury a pu regretter l’usage encore dominant de procédures ouvertes demandant une production graphique conséquente en l’absence de tout dédommagement. Cette méthode qui offre un certain confort pour le maître d’ouvrage est, en revanche, chronophage pour les équipes soumissionnaires, en dissuadant plus d’une à s’investir dans un marché. Ce qui représente, finalement, aussi une perte pour le maître d’ouvrage ainsi privé de regards et idées potentiels. Autre problème soulevé, la mise en concurrence des honoraires constitue, trop souvent, un critère d’attribution majeur au détriment de critères qualitatifs. Dans cette perspective, les marchés Design & Build ont soulevé de nombreuses craintes dans la mesure où ils invitent à privilégier les critères de prix et de délais. D’où le rôle crucial du jury de sélection et d’attribution dont la mission est de rappeler qu’en matière de marché d’architecture, la qualité des propositions doit rester le critère souverain. Un « vrai » jury dépasse les sphères administrative et politique pour rassembler usagers et experts. Aux premiers revient la connaissance fine des besoins auxquels doit répondre un projet. Aux seconds appartient la maîtrise des médiums architecturaux permettant d’étudier en profondeur une proposition. Parce que l’architecture est un processus, le jury a également été attentif à la temporalité. Celle-ci dépend de facteurs imprévisibles. Elle tient aussi de la responsabilité des commanditaires. Les délais de prise de décision contrastent parfois trop avec ceux accordés aux architectes devant « rattraper le temps perdu » en rognant sur celui de l’étude qui détermine pourtant la pérennité d’un projet. Le manque de temps pour la réflexion et le dialogue peut ainsi avoir des conséquences redoutables dont pâtiront, en premier, les habitants. Bien sûr, aucune procédure n’est parfaite, la réalité ne l’est jamais. Aussi, au-delà d’un perfectionnement possible des candidatures, le jury y a perçu de nombreuses qualités, la principale étant la persévérance. S’y retrouvaient des acteurs déterminés à affronter moult péripéties pour parvenir à tenir, ensemble et jusqu’au bout, le projet auquel ils croyaient. Les processus de participation et de concertation contribuent à cette synergie. Pouvant endosser des formes plurielles, cette pratique s’avère désormais bien implantée à Bruxelles, mais reste encore à développer en Wallonie. Apparaissant de plus en plus comme un « mot-clé » pour obtenir des subventions, un simple outil à légitimer des projets, la participation n’est pas sans faille. Elle doit être repensée d’expérience en expérience. Les projets salués cette année par le jury peuvent, en ce sens, y contribuer.

Deux lauréats et deux mentions. La clarté d’un prix pour saisir ce qui importe.

Avec seulement un lauréat en équipement public – le Préhistomuseum de Flémalle – et un autre pour la catégorie logements – ceux de la rue Sans-Souci à Ixelles –, le palmarès 2017 est restreint. Il faut y lire l’exigence d’un jury visant une clarté de discours afin de donner un réel sens à cette distinction. C’est la raison pour laquelle le Grand Prix n’a pas été accordé, la parfaite complémentarité entre l’« exemplarité de la procédure » et la « grande qualité du projet d’architecture » n’étant, aux yeux des jurés, pas suffisamment incarnée. Ce qui signifie aussi que les lauréats de cette année ne le sont pas « à moitié ». La Commune de Flémalle, celle d’Ixelles ainsi que leurs partenaires respectifs peuvent être satisfaits de cette reconnaissance des qualités, tant processuelles qu’architecturales, de leur démarche, aisément perceptibles au fil des pages de la présente publication. Le jury a également tenu à mentionner deux autres projets. Avec l’hôtel de ville de Gembloux, il signale ce fait notable d’un concours Europan qui ne se solde pas en un catalogue d’idées, mais se concrétise en un lieu habité. Avec le Chemin de cailloux, il s’agit de saluer le travail entrepris par la Société du logement de la Région bruxelloise en faveur de l’intégration d’oeuvres d’art au sein de milieux peu coutumiers de la démarche, interrogeant les limites de la commande architecturale.

Quelle conclusion peut-on alors tirer de cette édition ?

Quelques inquiétudes, sans doute, eu égard à ce qu’il reste encore à accomplir en Belgique francophone. Inquiétudes, aussi, face à une faible participation s’expliquant, peut-être, par un manque d’intérêt et, sans doute, de disponibilité. Participer à un concours honorifique nécessite, en effet, du temps derrière lequel tout le monde court. C’est pourtant ce qui rend un prix d’architecture d’autant plus précieux, dans la mesure où il représente, justement, une opportunité de suspendre le cours quotidien de nos pratiques afin de réfléchir sur ce qui doit y importer. Ce moment de réflexion s’avère plus que jamais nécessaire : la situation de l’architecture en Fédération Wallonie-Bruxelles nous y invite. Puisque tout bien considéré, c’est en examinant ces candidatures que les membres du jury ont pu, par ailleurs, mesurer le chemin parcouru ces deux dernières décennies. En un sens, si le jury s’est montré particulièrement exigeant, c’est aussi parce que le paysage architectural en Belgique francophone a clairement progressé, se dotant désormais d’une « masse critique » suffisante pour exiger encore plus de qualité. Ce n’est donc pas à une conclusion que doit conduire ce prix… mais à une poursuite de l’action.

composition du jury

PourMadame, MonsieurTitreQualité
Francesco Della Casa Architecte et critique d’architecture Président(e) du jury
Expert « Hors frontières »
Hugo Bauwens Architecte Expert architecte urbaniste
Cédric Polet Architecte Expert architecte
Ludovic Recchia Historien de l’art et curateur Expert en art contemporain
Joëlle Servais Ingénieure civile architecte et urbaniste Représentante d'une commune wallonne
Anais Destree Représentante d’une commune bruxelloise
Edouard Libotte Architecte Représentant de la Région wallonne
François Timmermans Architecte et urbaniste Représentant de la Région de Bruxelles-Capitale
Xavier Bindels Ingénieur civil Représentant d’une entité publique tierce
Jean-Guy Pecher Ingénieur architecte Représentant le Bouwmeester Maître architecte de la Région de Bruxelles-Capitale
Albane Nys Architecte Représentante de l’Ordre des architectes – Conseil francophone et germanophone
Pieter T'Jonck Ingénieur civil architecte Représentant de la revue belge d’architecture A+
Thomas Moor Historien Représentant de la Cellule architecture de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Le jury était également assisté dans ses délibérations par Charlotte LHEUREUX, secrétaire du jury, et Typhaine MOOGIN, coordinatrice du prix.

lauréats

Equipement public

Préhistomuseum, Flémalle

1/10
Conservatoire (centre de conservation, d’étude et de documentation, salle d’exposition), ateliers et foyer (cuisine et restaurant)

Le jury salue un processus ouvert, respectueux des auteurs de projet et attentif à la qualité de leur production. En témoignent des dispositifs tels que le dédommagement des soumissionnaires ou la mise en place de critères d’attribution majoritairement basés sur la qualité de la proposition architecturale. Il remarque l’énergie fournie par les divers acteurs dans la recherche de solutions innovantes visant à dépasser des moyens relativement modestes. Il salue encore une proposition "totale", prenant en charge tant les aspects architecturaux et paysagers qu’environnementaux, artistiques et pédagogiques. Loin de se limiter au bâti, la réflexion s’étend à l’échelle du site, au gré d’un parcours ludique et didactique. Le jury apprécie ainsi l’approche respectueuse engagée par les auteurs de projet vis-à-vis de la réglementation Natura 2000. En faisant de son contexte d’accueil un élément à part entière de la collection, l’édifice montre un grand respect envers son environnement et contribue hautement à sa mise en valeur.

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Maître de l'ouvrage
Commune de Flémalle
Auteur de projet
Atelier d'architecture aiud
Mathilde Sauvillers
Bureau Greisch
Ouverture au public
Février 2016
Adresse
Rue de la Grotte 128
4400 Flémalle

Logement public

Logement Sans-souci, Bruxelles

1/5
28 logements sociaux locatifs et acquisitifs, 1 équipement de quartier, 1 hall de sport, 1 espace semi-public, 1 parking souterrain

Le jury félicite un processus ouvert, respectueux des auteurs de projet mis au travail et soucieux de son environnement ; des qualités que l’on retrouve dans le choix d’une procédure négociée avec publicité européenne, dans la composition d’un comité d’experts, dans le dédommagement des soumissionnaires ou encore dans l’exigence du passif. Il remarque notamment des critères d’attribution basés majoritairement sur les aspects qualitatifs de l’opération, dont il apprécie la dimension collaborative. À ce sujet, l’accompagnement de l’équipe d’auteurs de projet par un expert de la participation citoyenne mérite d’être souligné. Enfin, il retient la justesse de la proposition architecturale, particulièrement mise en valeur dans la gestion des espaces extérieurs et partagés. La mise en place de dispositifs simples tels que la traversée de l’îlot ou la prise en charge d’une toiture existante donne au projet une ampleur urbaine non négligeable quant à la vie de quartier.

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Maître de l'ouvrage
Commune d'Ixelles
Auteur de projet
R2D2 architecture s.a.
Beng
TPF Engineering s.a.
CreA-tec
Ouverture au public
Mars 2016
Adresse
Rue Sans-Souci, 120 122
1050 Ixelles

mentions

Equipement public

Hôtel de ville, Gembloux

1/5
Hôtel de ville

Le jury souligne le caractère exceptionnel de la procédure de désignation des auteurs de projet, à savoir le concours Europan. Il apprécie tout particulièrement l’aboutissement concret que représente la présente opération vis-à-vis d’une démarche, certes très riche, mais trop souvent arrêtée au stade de l’idée. L’hôtel de ville de Gembloux constitue effectivement un cas relativement rare en Europe, unique en Région wallonne, où il représente la première réalisation Europan. La détermination de la maîtrise d’ouvrage à pousser jusqu’au bout le processus mérite également d’être mise en lumière. La Commune se distingue notamment par une volonté et une confiance exceptionnelles : volonté de mener à terme l’opération depuis son inscription au concours (ce dont témoigne la conduite d’étude de faisabilité en amont) ; confiance envers un jeune bureau étranger et une proposition architecturale très tranchée. À noter, enfin, le choix avisé d’engager une association, en phases d’étude et de travaux, avec un bureau local, mentionné au même concours.

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Maître de l'ouvrage
Ville de Gembloux
Auteur de projet
Demogo
Syntaxe Architectes
Bureau d'Etudes Lemaire (BEL)
Ouverture au public
Octobre 2015
Adresse
Parc d’épinal, 2
5030 Gembloux

Hors catégorie

Le chemin de cailloux, Watermael-Boitsfort

1/7
Intervention du « 101e % » (soutien à la création artistique dans le logement social)

Le jury tient à valoriser l’initiative de la Société du logement de la Région de Bruxelles-Capitale (SLRB) pour la mise en place d’une procédure visant une plus large application du décret relatif à l’intégration d’oeuvres d’art dans les bâtiment publics. Bien qu’inscrite dans les textes, celle-ci s’avère encore trop absente des opérations de construction, ne concernant que les édifices publics de plus de 5 millions d’euros. L’initiative du « 101e % » est d’autant plus remarquable qu’elle vise des milieux sensibles et peu coutumiers de telles démarches : du logement à caractère social. Dès lors, le jury distingue l’ouverture d’esprit et la générosité que revêt un geste « extra-ordinaire ». Il en apprécie tout particulièrement la dimension participative, essentielle au sein de la présente opération. Bien plus que le résultat, c’est l’ensemble du processus collaboratif que le jury souhaite mettre en valeur. Il souligne ainsi l’énergie déployée durant une année par chacun des artistes et des artisans, mais aussi des membres associatifs et des riverains impliqués dans les nombreux ateliers relatifs au Chemin de cailloux.

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Maître de l'ouvrage
Société immobilière de service public (SISP) « Ville et forêt »
Auteur de projet
Pascaline Wollast
Alexandre Rossignon
Francesca Scarito
Marco de Sanctis
Ouverture au public
Octobre 2016
Adresse
Rues de l’élan
1170 Watermael-Boitsfort

cérémonie

Hôtel de ville, Gembloux, équipe — 1/4